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« Se lancer, c’est d’abord écouter son intuition »

Originaire de Mons, Anne-Sophie Charles travaille des années au rayonnement de sa ville natale. Choisie comme porte-parole par Elio di Rupo, elle a investi toute son énergie dans le secteur public avant de choisir la voie de l’entrepreneuriat à l’aube de ses 45 ans en lançant sa marque Maison Eole. Ses moteurs : la réalisation d’un vieux rêve, l’envie de contribuer à l’emploi de sa région et la promotion de savoir-faire « made in Belgium ». Article réservé aux abonnés
Par Florence Thibaut
Temps de lecture: 6 min

Durant la crise sanitaire, Anne-Sophie fait le grand saut, quitte son job et lance sa marque de cosmétiques. En à peine 18 mois, sa première gamme est sur le marché.
Durant la crise sanitaire, Anne-Sophie fait le grand saut, quitte son job et lance sa marque de cosmétiques. En à peine 18 mois, sa première gamme est sur le marché. - Maison Eole

Comment avez-vous démarré votre carrière politique ?

Jeune étudiante, j’étais passionnée par la communication, et plus particulièrement la communication politique. Je rêvais d’être la porte-parole d’une personnalité politique, c’était mon objectif. Quelques années après mes études, quand Elio di Rupo est devenu bourgmestre, j’ai directement postulé et il m’a fait confiance. Je pense que ma motivation lui a plu. Je suis devenue sa porte-parole et ensuite son chef de cabinet. J’avais alors à peine 27 ans, c’était une expérience formidable. D’autant plus que je ne venais pas d’un milieu socialiste. Elio a vraiment été un de mes mentors, notamment en matière de rigueur professionnelle. C’est quelqu’un de très exigeant avec lui-même et avec ses équipes. J’ai également apprécié son sens du consensus exacerbé.

De quoi êtes-vous la plus fière dans vos différentes missions pour la ville de Mons ?

J’ai particulièrement aimé travailler pour Mons 2015. Cette année comme capitale européenne de la culture a été exceptionnelle pour la ville. Elle a été un tournant dans son histoire et a engendré une vaste campagne de rénovation et d’embellissement. Mons 2015 a également donné naissance à une programmation culturelle ambitieuse, dont les effets perdurent aujourd’hui. À travers ses différents projets, l’année a rendu de la fierté aux habitants de la région, qui en avaient bien besoin. Le dynamisme culturel et touristique est resté. Enfin, Mons existe sur la carte.

Quels sont les apprentissages marquants de ces années PS ?

J’ai avant tout appris à résister au stress, la flexibilité et l’écoute. Il y a vraiment très peu de choses qui me stressent aujourd’hui. La politique vous apprend à la fois à prendre du recul et à réagir très vite. Le métier impose de s’adapter à différentes réalités, enjeux et publics. Sur une journée, on peut avoir rendez-vous avec des promoteurs immobilier qui viennent avec des contrats à plusieurs chiffres, puis discuter avec une mère célibataire qui ne parvient plus à payer son électricité. Il faut faire le grand-écart humainement et intellectuellement et passer de préoccupations humaines à des enjeux macroéconomiques d’une heure à l’autre, c’est très stimulant.

Quel a été le déclencheur de votre envie de quitter le public pour vous lancer dans l’entrepreneuriat ?

On parle beaucoup de burn-out ces derniers temps, mais dans mon cas c’était plutôt un bore-out. J’avais alors obtenu le poste de directrice générale à la ville de Mons. Je le voyais comme le poste de ma dernière tranche de vie professionnelle. J’ai compris que c’était un poste très sédentaire et administratif. Il fallait avant tout faire tourner une administration. Je me suis assez rapidement ennuyée. La crise sanitaire a été un point de bascule pour moi. Comme beaucoup, il m’a poussée à revenir à l’essentiel. J’avais un job bien rémunéré, stable et avec une pension assurée, mais cela ne m’a pas suffi. J’avais le rêve depuis des années de créer une marque de cosmétiques avec des actifs issus de la vigne. C’était le moment de le faire. J’ai demandé une pause carrière et j’ai foncé.

Quelles étaient les premières étapes pour donner vie à votre marque ?

Mon premier contact a été avec l’œnologue du vignoble du Chant d’Eole, chimiste de formation, pour déterminer les matières de la vigne intéressantes à récupérer pour des produits de soin. Je me suis ensuite rendue à la Maison de l’entreprise de ma région. Je n’avais aucune idée des centres de recherche présents sur le territoire et j’avais besoin de partenaires pour traiter mes matières. J’ai découvert de cette manière deux entreprises avec lesquelles je travaille toujours aujourd’hui. Rapidement, j’ai contacté le designer Charles Kaisin, qui m’a aidée à penser l’identité visuelle de la marque. En 18 mois, la première gamme était sortie. Je n’ai jamais douté, j’étais sûre de moi. Je me suis lancée à temps plein, du jour au lendemain. M’y consacrer le soir et le week-end n’était pas possible pour moi. Il fallait que je commence à vendre rapidement pour rentrer dans mes frais.

Comment avez-vous choisi vos canaux de distribution ?

Je suis une fille de pharmacien. J’ai grandi avec la dermo-cosmétique. Je ne me suis pas posé la question, je voulais être vendue en pharmacie. Les professionnels de la santé sont pour moi les mieux à même de conseiller les consommateurs. Ils ont en général de la place pour quatre ou cinq gammes. Ils ne choisissent des produits que s’ils y croient. Cela apporte une vraie crédibilité et une légitimité.

Quelles valeurs souhaitez-vous défendre comme entrepreneuse ?

Une des premières est de défendre le « Made in Belgium », de la recherche à la production. J’avais envie de valoriser terroir et savoir-faire locaux. Cet ancrage local est très fort. C’est une source de fierté. J’ai envie de rendre à mon environnement un peu de ce qu’il m’a donné. Ensuite, créer une marque éco responsable, en circuits courts et bio allait de soi pour moi quand j’ai lancé Maison Eole.

Quels seraient vos conseils à quelqu’un qui souhaite changer de vie professionnelle ?

Changer de cap est souvent synonyme de prise de risques financiers. Il faut en tenir compte et accepter qu’au début on ne se paye pas ou presque pas. Il faut l’assise financière pour le faire. Moi j’ai eu cette chance, j’en suis bien consciente. Il faut aussi parfois laisser le rationnel de côté et écouter son intuition, même s’il revient très vite dès qu’on écrit son business plan. Il faut combiner passion et pieds bien ancrés dans le sol. Ensuite, il est important de ne pas sous-estimer l’impact que peut avoir l’entrepreneuriat sur la vie privée et familiale. C’est parfois un vrai bouleversement. Enfin, s’entourer de personnes plus compétentes que soi permet souvent de gagner beaucoup de temps. Cela a été mon cas. Je me suis lancée à 45 ans, c’est un âge où on connaît généralement ses forces et ses faiblesses. Mon équipe m’apporte beaucoup.

Quels sont vos prochains challenges ?

Je suis en train de m’ouvrir aux instituts et aux spas pour toucher une autre clientèle. Je m’attaque également à l’international. Je suis en phase de recherche pour trouver un distributeur au Moyen-Orient et en Asie. En Corée, par exemple, les femmes utilisent huit à neuf produits sur leur visage par jour. C’est un immense marché. Mon objectif reste de faire grandir la marque. Je rêve également avec mon mari de faire du domaine du Chant d’Eole un site d’œnotourisme à Quévy et de faire rayonner notre province. Ouvrir un hôtel spa serait le rêve ultime. Nous devons encore vendre quelques bouteilles et produits pour y parvenir !

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