Enquêtes et analyses

Manager responsable, une pratique qui progresse

Déployer un management responsable est perçu à une quasi-unanimité comme important pour affronter les défis de notre temps. Mais on n’y est pas encore, révèle le Baromètre des Pratiques Managériales Innovantes. Si les entreprises semblent engagées sur la bonne voie, la transition vers un management (plus) responsable demeure encore en devenir. 72 % des sondés reconnaissent l’urgence de l’accélérer dans leur organisation. Article réservé aux abonnés
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La Chaire en Pratiques Managériales Innovantes de l’ICHEC Brussels Management School, en partenariat avec Intys Consulting et avec le soutien de Htag, a sondé 338 personnes, en majorité francophones et avec un haut niveau d’éducation. Objectif : éclairer l’étendue et l’évolution des pratiques managériales au sein des organisations, avec un accent particulier sur le management responsable. « Il s’agit d’un des projets de la Chaire, qui s’intègre dans l’Observatoire des Pratiques Managériales, aux côtés d’études de terrain, de la remise de l’Award du Management Responsable et d’un Forum de Management Responsable dont la première édition sera organisée le 24 septembre prochain », confie Alain Ejzyn, professeur à l’ICHEC Brussels Management School et co-directeur de la Chaire.

Pour ses chercheurs, un management peut être qualifié de « responsable » lorsqu’il prend en compte une performance globale – à la fois économique, sociale et environnementale – différentes parties prenantes – les employés, les clients, les fournisseurs, etc. jusqu’aux communautés locales – ainsi que de multiples temporalités – l’impact des décisions sur le court terme et le long terme. « Ces trois principes sont encore complétés par deux balises : une sensibilité à des conditions de travail qui soient soutenables ainsi qu’à une véritable justice organisationnelle, explique Marine De Ridder, chercheuse au sein de la Chaire. En résumé, le management responsable soutient la transition vers le durable et s’inscrit en opposition au management financiarisé, basé sur un rendement à court terme. »

Signal d’alerte

Un tel management est plébiscité – à plus de 94 % – par les personnes ayant pris part au Baromètre. À souligner la spécificité de l’échantillon composé pour de moitié de managers d’une équipe. Il n’est donc pas représentatif de la population active dans son ensemble, mais reflète assez bien les carrières futures des étudiant.es de l’ICHEC. « Cette spécificité explique sans doute en grande partie la proportion élevée – près de 73 % – de répondants qui déclarent que le management de leur organisation est, dans l’ensemble, aujourd’hui déjà, responsable. En même temps, quatre sur dix (43 %) disent que le management de leur organisation est parfois irresponsable. Il y a donc clairement de la marge d’évolution. »

Enseignement intéressant : les moins de 35 ans, les femmes et les non-managers jugent plus sévèrement le caractère responsable de leur management. En moyenne, les hommes, les managers et les personnes de plus 35 ans se montrent plus optimistes. « Des constats qui transparaissent également de nos études de cas et des contacts que nous avons avec les étudiants et jeunes diplômés, observe Alain Ejzyn. Ce qui, dans le contexte actuel de guerre des talents, doit résonner comme un call to action. On voit aujourd’hui de jeunes diplômés qui font leurs débuts dans une organisation la quitter, parfois du jour au lendemain, déçus après à peine six mois ou un an. Ce n’était pas le cas autrefois. »

Mieux équilibrer les intérêts

Le baromètre montre que toutes les parties prenantes sont plutôt bien considérées dans leur organisation. 71 % des sondés sont de cet avis. « On observe une préoccupation qui va croissant à cet égard, relève Marine De Ridder. Cela dit, les trois parties prenantes les plus prises en compte sont… les actionnaires, les investisseurs et les clients. Les collaborateurs n’arrivent qu’en sixième place et les communautés locales en dixième place seulement. Les approches des parties prenantes restent donc très traditionnelles, avec l’enjeu de trouver comment mieux équilibrer ces différentes parties prenantes dans la prise de décisions. »

Sur le plan interne, 62 % des personnes se disent satisfaites quant au niveau de management participatif qu’ils expérimentent au travail. Elles estiment qu’elles ont l’opportunité de participer aux décisions sur les changements qui pourraient affecter leur travail, sur les plans et orientations à long terme de leur domaine d’expertise et, de manière plus globale, qu’elles ont la possibilité de peser sur les décisions dans l’organisation. À noter, encore une fois, que le sentiment de management participatif est plus faible chez les moins de 35 ans.

Plusieurs types de performances

En termes de performance, les organisations tendent à favoriser les résultats économiques. « Sans surprise dira-t-on, relève Alain Ejzyn. L’entreprise existe d’abord dans une logique de profit, à tout le moins pour assurer sa survie. La prise en compte des collaborateurs, de leur bien-être, est venue dans un deuxième temps. Et la performance environnementale est une préoccupation plus récente encore. Ce. Qui explique qu’à peine 38 % des répondants estiment que leur entreprise en fait suffisamment en matière environnementale, indiquant là aussi un espace substantiel pour l’amélioration. »

Dans l’ensemble, les personnes interrogées estiment que leur organisation adopte une approche protéiforme de la performance – économique, sociale et environnementale. Sur une échelle de 5, la prise en compte des différentes performances évaluées donne pour moyennes 3,14 pour la performance environnementale, 3,48 pour la performance sociale et 4,24 pour la performance économique. 72 % des personnes interrogées sont satisfaites quant à l’impact de leur organisation sur la Société.

Nez sur le guidon

Les temporalités, et en particulier, l’attention portée au temps long, sont relativement difficiles à évaluer, admet Marine De Ridder. « Près de quatre personnes sur dix estiment qu’elles sont incitées à privilégier les objectifs à court terme. 48 % ont la perception que toutes les tâches qu’ils accomplissent sont urgentes. Cela ne permet pas nécessairement d’affirmer qu’une approche court-termiste prédomine dans les entreprises, mais bien que beaucoup de gens se sentent (trop) ’le nez sur le guidon’. En même temps, près de trois répondants sur quatre disent tout de même comprendre quels sont les objectifs à long terme de leur organisation. »

55 % des répondants se montrent satisfaits du sentiment de justice organisationnelle perçu dans leur organisation. « La justice organisationnelle regroupe plusieurs éléments : la justice distributive – la manière dont les récompenses sont distribuées dans l’organisation –, la justice procédurale – la manière dont les procédures sont appliquées –, la justice interactionnelle – elle-même composée de la justice interpersonnelle et la justice informationnelle. Un grand nombre de personnes (28 %) n’est toutefois ni satisfait, ni insatisfait en matière de justice organisationnelle. À noter que les managers ont exprimé une moyenne de sentiment de justice organisationnelle significativement plus élevée que les non-managers. Nous n’avons par contre pas observé de différence significative entre les autres catégories de personnes (genre, âge). »

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