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La formation continue, un précieux sésame à décrocher

Sésame, ouvre-toi ! Que ce soit pour décrocher un diplôme, valider ses compétences ou réorienter sa carrière, la formation continue est la clé de bien des réussites sur le marché de l’emploi. Quel succès rencontre-t-elle vraiment sur le terrain ? Nous avons posé la question à Anne Grzyb, Directrice de l’Institut universitaire de formation continue de l’UCLouvain, et à Vincent Giroul, Directeur de l’EFP, le centre de formation en alternance PME à Bruxelles.
Temps de lecture: 5 min

Dans un monde en perpétuelle évolution, entre autres sur les plans économiques, environnemental et numérique, se former tout au long de la vie est devenu indispensable. Pour y arriver, les moyens ne manquent pas : cours, ateliers, séminaires, conférences, formations en ligne, ouvrages, médias… La formation continue au sein d’institutions telles que les universités et les hautes écoles offre l’avantage d’une reconnaissance des compétences acquises, car, comme le souligne Anne Grzyb, « de nos jours, l’accès à un emploi dépend encore fortement d’un titre comme un diplôme ou une certification ».

Anne Grzyb, Institut universitaire de formation continue de l’UCLouvain et Vincent Giroul, EFP.
Anne Grzyb, Institut universitaire de formation continue de l’UCLouvain et Vincent Giroul, EFP. - DR

Cette nécessité de se former en permanence ne date pas d’hier. « Dans le cadre de la stratégie de Lisbonne développée depuis 2000, l’Union européenne entend faire de nos pays une économie de la connaissance. Depuis lors, les politiques économiques et sociales sont étroitement liées à celles de l’enseignement et de la formation », relève notre interlocutrice. « Pour renforcer encore l’employabilité des citoyens, lors du Sommet social de Porto de 2021, l’UE s’est fixé un objectif de 60 % d’adultes en formation au moins une fois par an d’ici à 2030. »

De meilleures conditions d’accès

En Belgique, même si les choses progressent, on est cependant encore loin du compte. Vincent Giroul estime qu’« à Bruxelles, nous sommes autour de 22 % de participation à la formation continue. On peut aisément mettre cela en parallèle avec le taux d’emploi dans la capitale ; il atteint 66 % pour un objectif de 80 %. » Autres constats : « Les grandes entreprises sont plus présentes que les PME en termes d’activités de formation ; le pourcentage de femmes en formation continue est largement inférieur à celui des d’hommes. » Anne Grzyb considère en outre que « les diverses politiques d’injonction à la formation et leurs déclinaisons nationales ou régionales ne suffisent pas pour que les adultes s’engagent dans un processus de formation et encore moins pour qu’ils aillent au bout de leur formation et la réussissent. » Vincent Giroul appuie le propos : « Si le travailleur est mis simplement dans une situation d’obligation par son entreprise ou des règlements, la question de la motivation va se poser. »

Le faible taux de personnes en formation continue s’explique en réalité par de multiples freins : motivation, formats horaires compliqués, difficultés à concilier vies privée et professionnelle, coûts trop élevés, etc. Toutefois, nuance Anne Grzyb, les conditions d’accès à la formation ne cessent de s’améliorer : « Nous proposons de plus en plus de formations plus courtes, en horaires décalés et davantage hybrides, avec une partie en distanciel. Tout ceci permet une meilleure accessibilité, tant sur le plan géographique que temporel. »

Des incitants suffisants ?

Autre élément positif, selon Anne Grzyb : « On constate aujourd’hui une montée en force des incitants pour favoriser la reprise en formation des adultes et la rendre accessible au plus grand nombre. Désormais, la Région de Bruxelles-Capitale reconnaît entre autres automatiquement toutes les formations universitaires qui délivrent des crédits. Celles-ci donnent donc toutes droit au congé-éducation. Notre université dispose également d’une centaine de programmes agréés aux chèques-formation. La réforme du droit individuel à la formation, avec désormais cinq jours de formation obligatoire, va également dans le bon sens. »

Vincent Giroul regrette néanmoins que « le sujet de la formation soit toujours l’un des parents pauvres des politiques publiques. Même si elle figure dans les programmes politiques en vue des prochaines élections, il faudra voir ce qu’il en restera dans les accords de gouvernement. Régulièrement, on voit émerger des propositions en termes de fiscalité ou d’obligation du nombre de jours de formation, mais elles ne trouvent que peu de concrétisations par la suite. Les dispositifs aujourd’hui en place ne sont pas très ambitieux, en particulier à Bruxelles, qui se montre bien moins généreuse que la Wallonie dans son soutien à la formation continue. Le congé-éducation payé ne couvre qu’une partie des besoins en formation pour les travailleurs, les entreprises et la société. »

Bon pour l’individu, bon pour la collectivité

Si, au vu de l’évolution des métiers, la formation continue est indispensable pour maintenir l’employabilité des travailleurs, elle l’est aussi pour des questions de santé et de bien-être au travail, note encore Vincent Giroul : « Un quart des travailleurs en incapacité de travail le sont en raison de burn-out ou de dépressions. Je suis convaincu que le maintien et le développement de la motivation des travailleurs et le sens qu’ils donnent à leur travail passent entre autres par la formation continue. Elle constitue un levier important pour valoriser et déployer leurs compétences. » « De plus en plus d’adultes sont en effet en quête de sens et désireux de mieux réfléchir sur leurs pratiques professionnelles et leur place, tant dans la société au sens large qu’au sein de leur entreprise », complète Anne Grzyb.

Les besoins et attentes des individus ne sont d’ailleurs pas tout : « La formation continue est également une nécessité économique, voire géopolitique. La nécessité de déployer une société européenne plus indépendante qui fait le pari de sa réindustrialisation passe immanquablement par un investissement dans l’enseignement et la formation », conclut Vincent Giroul.

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